CBC #11 - François-Xavier Trancart, le curieux
Cofondateur @Artsper, démocratiser l'achat d'art contemporain en ligne
Chère lectrice, cher lecteur bonjour !
11ème édition aujourd’hui de C’est bon ça, la newsletter qui t’envoie que du bon autour du (growth) marketing 🤟
Cette semaine, j’ai échangé avec François-Xavier Trancart, cofondateur d’Artsper, une plateforme qui permet l’achat de tableaux et oeuvres d’art contemporain en ligne.
Pourquoi devez-vous lire cette édition ?
Un témoignage d’un entrepreneur précurseur, qui a bouleversé la façon dont on achète et consomme une oeuvre d’art aujourd’hui.
François-Xavier a aussi une expérience approfondie en marketing, de par sa formation et les missions qu’il a menées au sein de sa propre entreprise.
Une présentation d’Artsper, l’entreprise qu’il a cocréé, actuellement en pleine expansion.
Un article sur Stripe, la start-up valorisée à 100 milliards de dollars.
Des nouvelles des anciens intervenants de C’est bon ça, notamment les excellentes nouvelles de Brian O’Hagan et Yoann Lopez.
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C’est parti ! 🔥
💌 Présentation de l’invité
🎓 Un parcours académique classique
Après une scolarité au lycée du Saint-Esprit à Beauvais, il commence une licence d’économie à l’Université Catholique de Lille en 2006. Après ses trois années de licence, il poursuit son cursus à l’EDHEC, une grande école de commerce française.
C’est là-bas qu’il découvre le marketing. Il aime ça et décide donc d’y faire ses deux stages de césure afin de développer son expertise dans le métier.
Il fait un premier stage de 6 mois chez Bacardi-Martini aux achats et un deuxième chez Unilever en tant qu’assistant category manager.
Ces deux stages confirment son attrait pour le marketing des biens de grande consommation, plutôt tourné vers l’analyse et la stratégie produit.
C’est tout naturellement qu’il retourne dans ce secteur pour son stage de fin d’études. Il rejoint alors le groupe Bel où il s’occupe du produit Mini Babybel dans toute l’Europe de l’Ouest.
🤝 La rencontre
Hugo Mulliez, son futur associé, est alors en train de lancer un blog sur l’art avec pour idée de lancer son entreprise dans ce secteur. Connaissant l’appétence de François-Xavier pour la culture et l’art, il le sollicite afin d’avoir son avis sur son blog. Il lui répond alors de manière franche que son blog ne l’émeut que très peu.
Cependant, ce qui n’est que les prémisses d’Artsper touche malgré tout une corde sensible chez François-Xavier. C’est en effet un passionné de culture au sens large : expositions, concerts, cinémas… Il aime le monde de l’art. Et en tant qu’aficionado, il se rend compte de tout ce que le digital peut apporter à ce milieu encore traditionnel et élitiste.
Il propose alors à Hugo de retravailler le blog à sa manière. Ses propositions plaisent à Hugo et il commence à écrire régulièrement des articles pour lui. Leur collaboration est fructueuse. C’est alors qu’Hugo lui propose de s’associer pour créer Artsper.
🎨 Le début de l’entrepreneuriat
Cette proposition est un petit peu inattendue pour François-Xavier. Il se voit plutôt en marketing dans une multinationale qu’en entrepreneur dans le monde de l’art. De plus, l’engouement pour l’entrepreneuriat et les start-ups n’est à l’époque pas aussi fort qu’il ne l’est aujourd’hui - BlaBlaCar débute à peine.
Nous sommes alors en décembre 2012, François-Xavier vient terminer ses études à l’EDHEC et un emploi l’attend. Conscient de l’opportunité qui s’offre à lui et convaincu qu’il a tout à gagner de cette expérience, il accepte de rejoindre Hugo dans la création d’Artsper.
Il se donne alors un an pour réussir à vivre grâce d’Artsper.
François-Xavier ne regrettera jamais cette décision puisque 8 ans après, Artsper est l’une des principales places de marché mondiales pour la vente et l’achat d’art contemporain.
📦 Présentation de la boîte
Produit : Artsper est une place de marché qui permet aux galeries d’art contemporain d’exposer, vendre et expédier leurs œuvres d’art à des particuliers dans le monde entier.
Modèle d’affaire : deux flux de revenus principaux :
une commission moyenne de 18 % sur chaque vente d'œuvre d’art. À noter que ce pourcentage peut varier selon le prix de l'œuvre et le type de galerie.
un abonnement mensuel pour les galeries d’art contre un accès à une suite d’outils pour les aider à digitaliser leur établissement : un outil de facturation, de gestion des stocks, un CRM, création de site en marque blanche…
Vision à long terme : Être l’acteur international de référence pour la vente et l’achat d'œuvres d’art contemporain. Les ventes sont internationales mais restent en grande majorité européennes. Leur objectif pour 2021 est de tripler leurs ventes aux États-Unis, leur plus gros marché potentiel. De plus, ils veulent s’imposer comme le partenaire de référence des galeries d’art, notamment dans l’accompagnement digital de leur offre.
Quelques chiffres :
Visiteurs en 2020 : 600 000 visiteurs uniques
Montant des ventes en 2020 : + 10 millions d’euros.
Panier moyen : 1 500 €
Employé·es : 25
Levée de fonds : 4 millions d’euros au total, la dernière levée de fonds était de 2 millions d’euros en 2017
Ils recrutent ? Oui, 2 postes en vente et partenariats/communication pour aider François-Xavier à lancer les États-Unis, ainsi que de nombreux postes techniques.
🎙️ L’interview de François-Xavier
Tout d’abord, pourquoi Artsper ?
Notre mission est simple : rendre l’acquisition d’art possible à chacune et chacun, le néophyte comme l’initié·e.
Chez Artsper, nous sommes persuadés que l’art touche tout le monde, en positif comme en négatif. Il y a donc un marché potentiel important. Et avant la création d’Artsper, ce marché n’avait pas encore fait sa mue digitale et technologique.
Dans nos entourages avec Hugo, mon associé, nous avions des personnes qui avaient les moyens d’acheter de l’art mais qui ne le faisaient pas, ou alors achetaient tous les mêmes tableaux YellowKorner.
On s’est rendu compte que c’était dû à un souci de communication et à un souci géographique.
L’expérience d’aller dans une galerie d’art peut être intimidante : il n’y a pas un seul bruit, les prix ne sont pas affichés… Cela peut faire un peu peur. Et les galeries d’art n’avaient pas de sites internet où nous, particuliers, pouvions avoir accès à leurs œuvres. Cela était dû à une méfiance et à un manque de connaissances des outils digitaux.
L’autre problème était géographique. La très grande majorité des galeries d’art sont basées à Paris. Si vous n’habitez pas Paris, il est difficile d’avoir accès au marché de l’art. Et même quand vous y habitez, il faut trouver le temps d’aller courir les expositions.
Ces deux contraintes majeures nous ont convaincu qu’il manquait un endroit où il était possible de retrouver facilement le monde de l’art dans sa globalité, du dessin à la sculpture, et pour tous les budgets. Si on arrive à vendre des œuvres d’art à travers cet espace, alors pour nous c’est le jackpot.
Raconte-moi le lancement d’Artsper.
Depuis le début, nous sommes convaincus de la pertinence de notre offre. Notre seule crainte était d’arriver trop tôt sur le marché.
On a alors passé beaucoup de temps à rencontrer les acteurs du marché de l’art, à comprendre leurs “douleurs”. Ce fut la pire étude de marché de ma vie en termes de positivité ! Cependant, la conclusion était claire : les galeries avaient peur d’internet par manque de connaissance et de confiance. Les acheteurs étaient prêts, il fallait convaincre les vendeurs.
On a enchaîné les porte-à-porte pour trouver les premiers partenaires. Il a fallu faire le forcing, c’était dur de convaincre les galeries. Ça a pris du temps de lancer la dynamique mais on a réussi à convaincre une trentaine de partenaires pour 400 œuvres affichées sur notre site internet.
Ce fût d’ailleurs l’une de nos plus grosses erreurs du début : mal choisir l’agence web qui nous a développé notre premier site. On avait levé un peu d’argent auprès de nos proches. Dans un souci d’économie, on a cherché à négocier tous les coûts, surtout sur notre site internet. Mais on l’a payé cher après puisqu’il a fallu refaire tout le site.
Au bout d’un an, les résultats étaient prometteurs. On a réalisé une première levée de fonds de 300 000 € pour internaliser les équipes de développement web et investir en marketing. On a commencé à faire de la traction, c’était alors plus facile de convaincre les galeries. La roue était lancée.
Comment vous-y êtes vous pris pour convaincre les galeries qui étaient si réticentes ?
Un petit peu de “fake it until you make it” pour les rassurer. On leur disait que l’on avait déjà 50 galeries partenaires, dont certaines prestigieuses. Et à la fin, notre mensonge a fini par devenir vrai.
On s’était aussi entouré de personnalités à notre comité de sage : Steve Rosenblum de Pixmania, Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre de la culture… Ils nous ont témoigné leur soutien publiquement et cela a contribué à rassurer les galeristes.
Enfin, quand tout cela ne suffisait pas, on sortait l’argument économique : s’ils nous rejoignaient maintenant, ils auraient droit à un traitement particulier, avec dans certains cas un accès gratuit à vie à notre plateforme.
Hormis le lancement, quels ont été les autres moments décisifs dans la réussite d’Artsper ?
Je pense directement à une décision que l’on a prise il y a deux ans, en 2018. Cette décision a été marquante car elle a vraiment validé l’ADN Artsper.
On cherchait à faire une nouvelle levée de fonds afin de continuer à financer notre croissance, qui était intéressante mais avec un cash burn délirant.
Le cash burn correspond à la vitesse à laquelle une entreprise consomme sa trésorerie. Plus le cash burn est élevé, moins l’entreprise pourra dépenser longtemps et plus elle devra lever de nouveaux fonds pour financer sa croissance.
Ce fut une petite crise existentielle pour Artsper. Ça ne nous intéressait plus d’aller chercher la croissance à tout prix, de rencontrer sans cesse de nouveaux fonds pour trouver des financements. Ce n’était plus la vision que nous avions d’Artsper.
On a alors décidé d’arrêter la levée de fonds en cours, d’accorder une attention accrue à notre trésorerie et d’optimiser nos coûts. Et cela quitte à faire d’Artsper une entreprise avec un taux de croissance annuel de 50 % plutôt que 100 % mais avec un cash burn énorme.
Nous sommes passés de 30 à 20 collaborateurs, et avons décidé d’être beaucoup plus intelligents dans nos dépenses marketing.
Cela a été un acte fondateur, mais nous n’en menions pas large. Notre crainte était que les équipes se démotivent, qu’elles perçoivent cette décision comme un manque d’ambition, qu’on ne soit plus une boîte aussi sexy car on ne lève plus d’argent.
Après avoir annoncé aux équipes que la levée de fonds ne se ferait pas, il y a eu un gros flottement pendant 48 heures. Mais elles l’ont finalement bien pris et ont adhéré à la nouvelle vision que l’on proposait. Chacun est parti en mode commando et a pris des initiatives pour se mettre à niveau et développer ses compétences.
Alors, pour quels résultats ?
Nous sommes rentables depuis 2 ans, on a une bonne trésorerie, une bonne croissance et on prévoit d’attaquer les États-Unis pour 2021 et y tripler nos ventes là-bas.
On a divisé nos coûts marketing par 10 et pourtant on a multiplié le trafic sur notre site par 3 et le volume de ventes par 4.
Mais surtout, cela a été un peu comme une deuxième naissance pour Artsper.
On a aussi pris conscience que le marché de l’art était un marché particulier, que lever des fonds pour aller chercher la croissance à tout prix ne correspondait pas à la typologie de nos clients où le cycle de décision est beaucoup plus long. Lever des fonds nous aurait mis dans une course contre la montre que nous n'imaginions pas gagner.
À quel moment tu t’es dit que tu avais trouvé ton product market fit ?
Le product market fit est l’objectif ultime du growth marketing. Il s’agit du moment où le produit que l’on a conçu trouve son marché : les utilisateurs de ce produit comprennent immédiatement son fonctionnement et son utilité, les ventes explosent et le bouche-à-oreille fait le reste.
Lorsque fin 2013, pour la première fois, une œuvre d’art a été vendue à une personne que nous ne connaissions pas. Ce n’était pas nos parents, ni nos amis qui achetaient une œuvre pour nous faire plaisir.
On se dit alors que c’est possible. En plus, c’était pour une œuvre à 4 900 €. Il n’y avait pas d'œuvre à plus de 5 000 € référencées sur le site car on ne pensait pas qu’il était possible d’aller au-delà. C’était un pallier infranchissable pour nous mais là on s’est dit qu’il y avait un truc, que cela n’intéressait pas que les curieux.
Au bout de 2 ans, les volumes ont augmenté. Ce sont beaucoup d’anciens clients qui achètent de nouvelles œuvres. Un cercle vertueux se met en place et là, la question change. Ce n’est plus comment tu vends, mais combien ? Et surtout, comment tu développes ces ventes ?
Comment avez-vous acquis vos premiers clients ?
Par emailing. On avait récupéré de nombreux mails en scrappant LinkedIn, qui nous a servi de première base de contacts, auquel on a rajouté tous les abonnés de la newsletter du blog qu’avait lancé Hugo, mon associé. On leur demandait leur adresse mail pour qu’ils soient les premiers avertis du lancement du site internet.
Le scrapping est l’action de récolter un certain type d’information sur une ou plusieurs pages internet à l’aide de script de programmation. Selon la forme du scrapping et/ou l’usage des données récoltées, le scrapping peut être considéré comme illégal.
On a aussi demandé aux premières galeries partenaires de jouer le jeu et de communiquer auprès de leurs clients.
De manière générale, je crois beaucoup à l’emailing. C’est encore l’un des meilleurs canaux d’acquisition avec le remarketing, surtout pour notre typologie de client qui aime lire du beau contenu car notre produit est sexy.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile avec Artsper ? Quels sont les obstacles que vous avez dû lever et comment ?
Paradoxalement, on a dû se battre pour convaincre nos vendeurs de nous rejoindre, ou même de faire plus de ventes avec nous. À l’inverse des autres places de marché, pour qui le défi est de trouver des clients, notre problème était de trouver des galeries prêtes à nous rejoindre.
Il y a eu beaucoup de réticences de leur part à accepter les codes du e-commerce. Pendant les 3 premières années d’Artsper, les galeries refusaient d’afficher leurs prix en ligne. C’était décourageant, tu savais que tu pouvais vendre mais les galeries ne jouaient pas le jeu. Aujourd’hui, elles l’ont totalement accepté.
Avec le recul, on sait qu’on a eu la bonne stratégie. Il fallait que le marché de l’art intègre les codes de l’e-commerce et non l’inverse. Ne pas être issu du milieu de l’art a été un avantage. On nous disait que cela allait précipiter notre échec mais c’est précisément ce qui a fait notre force. On a cassé les codes avec nos gros sabots et notre naïveté. Afficher les prix en public était considéré comme vulgaire mais Artsper n’aurait pas pu fonctionner en adoptant les codes du marché de l’art.
Quelle a été votre pire erreur ?
Au-delà de certaines erreurs de recrutement, il a fallu se relever du terrible choix de notre agence pour notre premier site internet. Je ne te raconte pas tous les déboires que cela nous a causé, et cela a été mon plus gros enseignement.
J’ai complètement sous-estimé l’importance d’avoir un code propre et évolutif, et surtout de faire les choses au fur et à mesure. On a fait l’erreur de vouloir sortir sans cesse de nouvelles fonctionnalités. À vouloir être trop pressant sur les délais de développement et sortir de nouvelles fonctionnalités à tire larigot, on pensait gagner du temps mais on en a perdu 10 fois plus après quand il a fallu rembourser toute cette dette technique.
Demain, si je dois remonter une boîte, je veux que les compétences techniques soient là et soient fiables. Il ne faut jamais sous-estimer l’importance et l’impact d’avoir un code propre et évolutif.
Quel est ton meilleur souvenir chez Artsper ?
J’en ai deux.
Le premier, c’est la plus grosse vente que l’on ait faite : 94 000 €. Au début, on avait même pas fait attention, on pensait que c’était une erreur d’un des développeurs, que c’était un test. On avait du mal à croire qu’une personne puisse acheter une oeuvre d’art à 94 000 € sans nous appeler.
L’autre meilleur souvenir, c’est le premier mois où l’on est rentable. Là, on se dit qu’on a réussi un truc et qu’Artsper vivra encore longtemps.
Sinon, ce n’est pas un souvenir, mais plutôt une satisfaction, celle de faire survivre certaines galeries en ces temps compliqués de COVID-19. Elles peuvent payer leurs frais fixes grâce à Artsper, et on se sent encore plus utile que d’habitude. Ça me rend fier.
Comment expliques-tu le succès qu’a connu Artsper ? Quels ont été les facteurs clés de succès ?
C’est assez paradoxal. Il y a une phrase que l’on dit souvent chez Artsper, c’est qu’il faut être obstiné·e mais pas borné·e. Il faut trouver la bonne dose pour aller au bout de ses tests sans s’accrocher coûte que coûte.
Il nous fallait atteindre la taille critique de 300 galeries partenaires. À partir de ce chiffre, on savait que l’on pouvait vendre, du moins telle était notre intuition. On a mis la tête dans le guidon jusqu’à atteindre cette barrière. Et si ça ne prend pas avec ces des 300 galeries partenaires, on avisera. Bon ça a fonctionné :)
Donc je dirai :
La ténacité : on a su se battre pour montrer que l’on avait raison. Tant que personne nous a montré que l’on avait tort, on a continué.
La chance : on s’est lancé parmi les premiers. Je ne suis pas certain que l’on connaîtrait le même succès si on se lançait aujourd’hui.
L’équipe : elle est à notre image et c’est super important. On accorde une énorme place à l’humain aujourd’hui dans nos processus de recrutement. La grosse erreur de recrutement, c’est de recruter un très bon profil mais qui ne s’accorde pas avec les valeurs de la boîte et de l’équipe.
Quel a été l’impact du COVID-19 sur Artsper ?
Il a clairement permis d’accélérer notre modèle.
Les galeries n’ont plus aucun canal de vente hormis Artsper. Beaucoup de nouvelles galeries nous ont rejointes et elles sont toutes beaucoup plus actives sur la plateforme. Un vrai cercle vertueux se met en place car parallèlement, nous n’avons jamais réalisé autant de ventes entre mars et mai 2020. Notre clientèle avait plus de temps et plus de budget puisqu’elle sortait moins.
On pensait que cela allait ralentir avec l’été et la sortie du confinement mais août 2020 a été le 4ème meilleur mois depuis la création d’Artsper. Et avec le deuxième confinement, c’est reparti de plus belle, encore plus avec Noël et les fêtes de fin d’année.
Il y a beaucoup d’inconnus pour la suite, on ne sait pas si le soufflé va retomber.
J’ai l’impression que le COVID-19 a permis un changement d’usage sur le long terme qui sera bénéfique pour nous. Beaucoup de gens voyagent pour l’art d’habitude, et les galeries ont compris l’impact du digital donc c’est prometteur.
Quelle a été l’importance du marketing dans le succès d’Artsper selon toi ?
Sans le marketing, Artsper n’aurait jamais existé.
On a fait différents types de marketing sur nos acheteurs.
Au début, on faisait surtout du marketing d’acquisition et on dépensait énormément. Mais je ne regrette pas d’avoir consommé autant de budget dedans, ça nous a permis de bien mieux comprendre notre clientèle.
Ensuite, le branding. C’est importantissime pour rassurer, être sur d’avoir le bon message pour sa clientèle et asseoir sa crédibilité. C’est simple de faire venir les gens, mais beaucoup plus compliqué de les faire payer et c’est ici que le branding intervient.
Aujourd’hui, on ne fait quasiment plus de marketing payant classique. On a développé une grosse structure SEO et on consacre nos budgets pour les partenariats, les relations presse et un peu d’Adwords pour les niches.
Pour les galeries, il est encore très compliqué de les recruter uniquement via le marketing. On a encore une équipe commerciale pour s’occuper des galeries. Elle arrive en deuxième lame après “une période de chauffe” où l’on a ciblé les galeries et envoyé du contenu marketing pour les initier à utiliser Artsper. Pour cela, le cold emailing marche plutôt bien, cela permet de mettre le pied dans la porte.
De manière générale, le branding a pris le pas aujourd’hui sur le growth marketing chez Artsper, que ça soit pour les acheteurs et les vendeurs sur notre plateforme.
Quel serait ton premier conseil à quelqu’un qui veut entreprendre ?
De parler de son idée. Il ne faut pas être stressé·e de parler de son idée car elle ne vaut rien. Ce qui compte c’est l’exécution. C’est elle qui va déterminer le succès et la valeur de ta boîte.
On a évité plein d’erreurs en parlant de notre idée. On a tout le temps été très ouverts. Quand tu lances ton projet, je trouve ça délirant à quel point les gens sont bienveillants quand tu leur en parles.
Mon deuxième conseil serait de s’entourer de gens qui ont une expertise que tu n’as pas. Cela te fera gagner un temps fou. Il y a plein de sujets sur lesquels je ne suis pas bon. Dans ce cas, je vais plutôt aller trouver quelqu'un car je n’ai pas le temps de bosser sur tous mes points faibles.
Qu’est-ce que tu recherches en priorité chez tes collaborateurs ?
La curiosité au sens large. Chez Artsper, on fonctionne de manière horizontale. Tout le monde est très impliqué sur tous les sujets. Par exemple, le service client est très impliqué avec l’équipe produit car ce sont eux qui sont en contact avec les utilisateurs d’Artsper au quotidien.
Ensuite, je m’intéresse à ceux qui savent sortir de leur zone de confort, qui ont testé plein de choses.
Dans le processus de recrutement, j’arrive en dernier et je suis chargé de vérifier cette partie là, si la personne est curieuse, animée par les découvertes et par le fait de tester de nouvelles choses.
Quelles sont tes missions aujourd’hui au quotidien ?
J’avais repris la direction de la partie produit par passion, mais je suis en train de sortir de l’opérationnel. Je n’ai plus le temps. Bien que j’adore tester et donner mon avis, je dois prendre du recul pour me concentrer sur la stratégie pure et la coordination des équipes. C’est compliqué mais je vais y arriver.
Je m’occupe aussi de l’internationalisation et du passage à l’échelle. C’est une vraie volonté pour Artsper et nous allons nous concentrer sur les États-Unis en 2021.
Mais mon vrai objectif à terme, c’est de ne plus être indispensable à l’entreprise. Il y a encore 2 ou 3 sujets sur lesquels je suis trop impliqué, mais ça va changer dans un avenir proche.
Un bouquin marketing à conseiller ?
The Hard Things About Hard Things, de Ben Horowitz. Un bouquin qui résume parfaitement la remise en question et l’obstination
🔦 La belle histoire de la semaine
Stripe is eating the world
Présentation de Stripe
À l’origine, Stripe est une solution de paiement simple et rapide qui permet aux commerçants d’accepter les paiements en ligne grâce à l’ajout de quelques lignes de code sur leur site internet. Fondée en 2010 par les deux frères irlandais Patrick and John Collison, l’entreprise connaît très vite un succès monstrueux. Aujourd’hui, elle a développé son offre et se définit comme “une entreprise technologique qui construit des infrastructures économiques pour internet”.
Désormais, des entreprises de toutes tailles - des nouvelles start-ups aux géants du commerce en ligne comme Booking ou Shopify - utilisent leur logiciel pour accepter des paiements et gérer leurs activités en ligne.
Son business model est très simple : une commission de 2,9 % sur la valeur totale de la transaction à laquelle il faut rajouter des frais fixes de 0,30 $. Sachant que Stripe traite “des centaines de milliards de dollars” chaque année et que l’on estime son taux de prélèvement net de la valeur de la transaction à 1 % une fois les banques et cartes de crédits payées, cela fait un bénéfice net annuel d’un milliard de dollars a minima. Bien sûr, sans les chiffres officiels, cela reste des estimations, mais vous vous faites une idée de son potentiel économique.
Suite à sa dernière levée de fonds de 600 millions de dollars en avril 2020, Stripe est valorisée à 36 milliards de dollars, ce qui la place au rang de la troisième start-up la mieux valorisée au monde derrière les deux géants chinois ByteDance (TikTok) et Didi Chuxing (Uber chinois) mais devant des start-ups comme SpaceX ou Airbnb selon
Et encore, cette valorisation est antérieure à la pandémie de COVID-19, période qui a vu le commerce en ligne exploser. Stripe ne divulgue aucun de ses rapports financiers, car elle n’est pas publique, mais ses concurrents directs comme Paypal ou Ayden ont vu le prix de leurs actions doubler a minima depuis le début de la pandémie. En appliquant cette hausse moyenne à la valorisation estimée de Stripe, nous atteignons une valorisation de 72 milliards de dollars. Certains analystes parlent même d’une valorisation de 100 milliards de dollars.
Wow. Tout cela en moins de 10 ans. Tout simplement impressionnant.
Quelle a été la stratégie marketing de Stripe ?
Je reprends la définition que je vous ai donnée de Stripe au début de l’article :
“À l’origine, Stripe est une solution de paiement simple et rapide qui permet aux commerçants d’accepter les paiements en ligne grâce à l’ajout de quelques lignes de code sur leur site internet.”
Voici ce que je retiens de cette phrase :
“Simple”
“Rapide”
“Quelques lignes de code”
Stripe promet simplicité et rapidité. Le produit est donc son atout marketing numéro 1. Ce qui est plus intéressant, c’est la manière dont ils ont décidé de distribuer leur produit grâce à la vision de leurs fondateurs.
De plus en plus d’entreprises naissent sur Internet et elles ont besoin d’accepter les paiements en ligne. Mais concevoir une architecture de paiement est très complexe pour les développeur·ses.
Résulat, le département informatique devient le décisionnaire principal dans le choix du prestataire de paiement s’ils décident d’externaliser cette tâche.
Et c’est ce qu’ont compris Patrick and John Collison avant tout le monde. Dès lors, l’obsession de Stripe est de faciliter le travail des développeur·ses en start-up - car ce sont d’abord les start-ups qui sont digitales et innovantes - en proposant une interface de paiement simple et rapide grâce à l’ajout de quelques lignes de code.
Et ce qu’ont aussi compris les fondateurs de Stripe, c’est qu’au fil de leur carrière, ces jeunes ingénieur·es qui travaillent dans les start-ups deviennent les décisionnaires dans de plus grosses entreprises : soit la start-up s’est développée, soit il ou elle a été chassé·e pour travailler dans un plus grand groupe.
Parce qu’ils sont habitués à travailler avec Stripe et qu’ils aiment leurs produits, ils en deviennent captifs et continuent de l’utiliser au fur et à mesure du développement de la start-up. Ou alors ils en font la promotion partout où ils passent, au gré de leurs changements de carrière.
Tel un cheval de Troie, Stripe s’implante alors dans de plus grosses entreprises et cesse d’être un produit utilisé exclusivement par les start-ups. Ils développent aussi de nouveaux services de paiement pour ces nouveaux clients qui sont autant de nouveaux flux de revenus. Stripe se bâtit peu à peu une image de marque très forte, le bouche-à-oreille tourne à plein régime, lui permettant de trouver de nouveaux clients sans effort. Le cercle vertueux est lancé et ne semble pas prêt de s’arrêter.
Ce que je trouve admirable dans cette stratégie marketing, c’est la vision de long-terme qu’on eut les fondateurs de Stripe. La distribution marketing de leur service a été prise en compte dès la conception du produit. De même, en ciblant les jeunes ingénieur·es des start-ups, ils s’attirent les bonnes grâces des décideur·ses de demain qui seront alors aux commandes de plus larges entreprises et continueront de consommer les services de Stripe. Ils grandissent avec leurs clients - et sécurisent d’autant plus leurs revenus.
La suite ?
Stripe ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Ils commencent à lorgner vers le secteur bancaire et ont annoncé la semaine dernière la sortie de leur nouvelle offre Stripe Treasury afin d’aider les petites et moyennes entreprises dans la gestion de leurs finances.
À suivre de (très) près.
🌚 Des nouvelles des anciens invités
Brian O’Hagan, Growth Lead @Sorare (le Panini numérique) et invité de la 7ème édition, a de très belles nouvelles pour nous :
La carte de Mbappé Unique s'est vendue pour 55 000 € !
Ils ont fait plus de 400 000 € de volume de ventes de cartes par semaine, pas loin de leur objectif de 450 000 € par semaine pour la fin de l’année.
Ils ont signé un partenariat avec l’Inter de Milan.
Luko, la start-up pour laquelle travaille Amandine Aman, invitée de la 8ème édition, vient de lever 50 millions d’euros pour accélérer son développement en Europe.
Enfin, Yoann Lopez, le premier invité de la newsletter, approche des 100 000 $ de revenus annuels avec sa newsletter Snowball qui démocratise les finances personnelles. Tout ça en 7 mois. Bravo à lui !
🏄 Alors, c’est bon ça ou c’est pas bon ça ?
Petite question, de 1 à 10, quelle note donnerais-tu à cette édition ?
Répands la bonne nouvelle autour de toi en cliquant ci-dessous si tu as apprécié cette édition 👇
Si tu veux (re)lire les 3 éditions précédentes, tout est là :
Au plaisir de vous lire 🤙
C’est bon ça !
Jean