C'est bon ça
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CBC #23 : Romain Saguy, le caméléon
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CBC #23 : Romain Saguy, le caméléon

CRO de Coinhouse, la crypto-banque d'aujourd'hui et de demain

Salut les chef(fe)s ! 🧑‍🍳

On finit aujourd’hui notre triptyque crypto avec un invité de grand talent, Romain Saguy.

Romain pilote le pôle marketing et commercial de l’une des entreprises crypto française les plus prometteuses, Coinhouse. Avant ça, il a bossé en conseil, puis chez Google, a créé son bot de trading en crypto, a fait du free-lance pour un comparateur d’assurance… Avant de sauter sur l’opportunité Coinhouse.

Coinhouse est la “société sœur” de Ledger, que nous avons découverte le mois dernier avec l’interview de Benoît Pellevoizin.

C’est une édition que j’estime être l’une des plus réussies et complètes. J’espère que vous prendrez autant de plaisir à la lire/écouter que j’en ai eu à l’écrire et l’enregistrer.

Comme toujours, 2 options pour déguster cette édition :

  • La version audio en lien dans ce mail et sur les plateformes comme Spotify, Apple Podcast ou encore Anchor (J’ai créé un nouveau générique sur GarageBand, hâte d’avoir vos retours!)

  • Si vous êtes plutôt lecture, c’est juste en dessous.

Merci d’être fidèle à C'est bon ça ! Pensez à vous abonner pour recevoir les prochaines éditions si ce n’est toujours pas fait 😉


🏃‍♂️ Le parcours de Romain

Romain n'a pas un parcours linéaire. Il aime dynamiter sa vie professionnelle tous les 2 ans.

À la sortie de l'EDHEC, sans originalité et un peu par défaut, il s'oriente vers le conseil en stratégie. Il ne savait pas quoi faire, et il n'y avait pas de secteurs ou de métiers qui le passionnaient en particulier. En revanche, il voulait apprendre, être stimulé intellectuellement et garder des perspectives larges. Allons pour le conseil en stratégie alors.

Il y découvre le fonctionnement d'une entreprise, y voit un panel de métiers et de secteurs différents, se familiarise avec les jeux politiques internes...

Cependant, il reste un peu frustré. Il n'a pas le sentiment de faire un "vrai" métier. Il cherche une porte de sortie pendant 1 an et arrive finalement chez Google à Dublin. C'est ici qu'il touche au marketing, et particulièrement la publicité en ligne et le SEA.

SEA : Search Engine Advertising, la publicité payante sur les moteurs de recherche comme Google Ads.

Il y passe 2 années formatrices et confortables, mais si confortables qu'il s'y ennuie un peu. Il recherche alors un nouveau challenge.

Des amis montent une start-up de publicité mobile et physique entre Paris & Dubai, appelée Amano. Nous sommes en mai 2017 et Romain décide de les rejoindre.

Cependant, 8 mois après, l'aventure s'arrête. Amano est confrontée aux acteurs traditionnels dont JC Decaux et ils sont obligés de mettre la clé sous la porte.

2017 est aussi l'année où il tombe dans les cryptos. Après Amano, Romain décide de mettre à profit quelques compétences de code apprises lorsqu'il était consultant pour coder un algorithme de trading de cryptomonnaies, Iasion.io.

Puis, une fois l'algorithme créé, de faire du free-lance car il a goûté à la liberté de la start-up avec Amano. Il trouve une mission chez les Furets, le comparateur de prix d'assurance.

Ce qui ne devait être qu'une pige passagère s'avère être une vraie mission de long terme en tant que manager de transition. Il travaille sur l'expérience client, la conversion et la gestion des équipes marketing sur toute la chaîne marketing. Il y reste pendant plus de 2 ans.

C’est alors qu’il apprend que Coinhouse recherche un CRO via un de ses anciens collègues.

Le CRO, Chief Revenue Officer, est le responsable des revenus d'une entreprise, et donc de sa croissance. Chez Coinhouse cela englobe à la fois les équipes marketing et les équipes commerciales.

Il a alors fait de la crypto et de l'entrepreneuriat avec Iasion.io, du marketing et du développement commercial chez Google et Les Furets. Son profil est parfait pour le poste.

"It's a match" et en septembre 2020, il commence chez Coinhouse.


🏛 Présentation de Coinhouse

File:Logo-Coinhouse.svg

Présente-nous Coinhouse pour ceux qui ne la connaissent pas ?

Historiquement, Coinhouse était La Maison du Bitcoin, un comptoir physique fondé en 2015 à Paris où Monsieur et Madame Toutlemonde venaient acheter du bitcoin et repartaient avec leurs clés Ledger et leurs bitcoins dessus.

Cependant, la société décide de se séparer en deux entités distinctes en 2017 : Ledger pour l'activité de conservation des cryptomonnaies, et Coinhouse pour l'achat et la vente de cryptomonnaies.

Aujourd'hui Coinhouse permet d'acheter, vendre et conserver une quarantaine de cryptos sélectionnées par notre équipe de Recherche. Nous avons la particularité d'avoir des équipes de chargés de clientèle qui accompagnent les investisseurs particuliers et entreprises dans leur voyage en cryptos afin de démocratiser l'accès aux cryptomonnaies.

Néanmoins nous voulons aller plus loin et devenir une crypto-banque européenne en proposant :

  1. L'achat/vente/conservation de cryptomonnaies, notre cœur de métier traditionnel.

  2. Des produits d'épargnes avec des sous-jacents cryptos : un livret d'épargne Bitcoin, en stablecoin (une cryptomonnaie indexée sur une monnaie physique comme le dollar ou l'euro), en Ethereum...

  3. Des produits de gestion active : nous nous occupons de placer l'épargne de nos clients sur des paniers de cryptomonnaies et de les gérer selon leur profil de risque.

  4. Du paiement : si demain la législation et la fiscalité évoluent, nous souhaitons proposer des mécanismes qui vous permettent de payer en euros ou en cryptos.

Où en êtes-vous aujourd'hui sur l'ensemble des produits que vous souhaitez proposer en tant que crypto-banque ?

Pour tout ce qui a lieu sur notre cœur de métier, l'achat/vente de cryptomonnaies et la conservation au nom de nos clients, nous sommes au point.

Pour le reste :

  1. Des produits d'épargne avec des sous-jacents cryptos : en octobre 2021, nous avons sorti notre premier livre d'épargne crypto en stablecoin USDT à 5% annuel contre 0,5% pour le livret A. [NDLR: le rendement est désormais à 6.5%]. On vise plutôt du placement de trésorerie pour les entreprises aujourd'hui, avant de progressivement le mettre à disposition de tout à chacun pour remplacer en partie tous vos produits d'épargne. On souhaite aussi démultiplier ces produits et le proposer sur d'autres cryptos comme le Bitcoin, l'Ethereum, le Solana...

  2. Des produits de gestion active : mi-décembre, nous sortons nos premiers produits d'allocation pour nos clients. Selon votre profil (prudent, modéré, offensif), nous plaçons et gérons vos investissements selon une stratégie adaptée.

  3. Le paiement : la demande des agréments est très lourde. Pas de sortie prévue avant l'été prochain ou la fin de l'année prochaine.

Qui sont vos clients chez Coinhouse ?

Il existe plusieurs types de clients chez Coinhouse :

  1. Ceux qui souhaitent se construire une épargne sur 5 à 10 ans, voire plus. Ils sont âgés entre 25 et 50 ans, ne sont pas riches mais ont un salaire stable qui leur permet d'épargner quelques dizaines ou centaines d'euros chaque mois.

  2. Une population qui a déjà un patrimoine et qui souhaite diversifier une partie sur les cryptos. Elle est généralement plus âgée et a un vrai besoin d'accompagnement pour comprendre l'écosystème et gérer son portefeuille.

  3. Les entreprises qui veulent placer ce que l'on appelle la trésorerie stable : le cash qui dort sur leurs comptes et pour lesquel ils ne trouvent pas de solution satisfaisante dans le système traditionnel. Ils s'intéressent alors à la crypto et veulent travailler avec un acteur français régulé par l'AMF.

  4. Les professionnels qui vendent des solutions d'investissement, comme les gestionnaires de patrimoine. Ils ne connaissent généralement pas la crypto mais ont besoin de proposer des solutions cryptos à leurs clients, qui sont de plus en plus demandeurs.

Qui sont vos concurrents ?

Il y en a plein d'entreprises qui font de la crypto, comme toutes les plateformes de trading et d'échange.

Mais la vraie concurrence pour moi, ce ne sont pas forcément les autres acteurs cryptos, c'est plus généralement toute société ou tout produit qui vise la même poche budgétaire chez les clients.

Dans notre cas là, ce sont les banques traditionnelles et tous les acteurs qui proposent des solutions d'épargne comme les comptes-titres, les investissements en Bourse, les assurances vie... Toute l'épargne placée sur des solutions qui rapportent peu.

Comment vous différenciez-vous d'eux ?

Par nos produits et notre service client.

Nous accompagnons nos clients dans la création de leur épargne en crypto. Notre équipe de chargés de compte est présente au quotidien pour répondre au téléphone ou en physique à nos clients ou investisseurs qui veulent se constituer une épargne en crypto.

Chez Coinhouse, vous aurez toujours quelqu'un au téléphone si vous avez besoin d'aide.

Nous sommes le seul acteur à avoir un service client de ce niveau.

Quel est votre business model ?

Notre modèle d'affaire est réalisé majoritairement par un pourcentage de frais appliqué sur les transactions, et nous accompagnons les particuliers comme les entreprises :

  • Environ 65 à 70% de l'activité est réalisée avec des particuliers

  • 30% en B2B dont 85% sont des PME (avocats, boulangers, promoteurs immobiliers...) et 15% des entreprises professionnelles de la finance et de l'investissement.

Des entreprises du CAC40 ? Officiellement, non 😏

Sous la pression du lobby bancaire, n'existe-t-il pas des risques législatifs pour Coinhouse comme nous avons pu le voir avec Coinbase aux US lorsqu'ils ont sorti leur livret d'épargne à 4% ?

La France n'a pas la même réglementation qu'aux US. Coinhouse respecte la réglementation française qui permet de proposer ce type de services dès lors que nous sommes enregistrés par l'AMF et que nous respectons nos obligations de contrôle AML (Anti Money Laundering) et de lutte contre le financement du terrorisme.

Alors que Coinbase a joué avec le feu. Ils ont tenté et ils se sont mordu les doigts.

Mais sinon, est-ce que le lobby bancaire va grincer des dents ? Sans doute, mais c'est très bien.

Si tu es une start-up et que tu n'emmerdes pas les entreprises en place, tu ne sers à rien. Notre but est d'être une solution alternative aux banques traditionnelles. Nous ne remplacerons pas le système traditionnel intégralement, mais pour 10/15/20% de ce marché, Coinhouse peut être une bonne alternative.

Est-ce qu'utiliser vos services, ce n'est pas corrompre l'esprit et l'objectif initial de Bitcoin qui est de se passer des intermédiaires financiers ?

En effet, la promesse historique de Bitcoin est :

  • Pas d'intermédiaire ("not your keys, not your bitcoin") → si vous n'avez pas un accès direct à vos cryptomonnaies, elles ne vous appartiennent pas vraiment.

  • "Don't trust, verify" → ne faites jamais confiance aux intermédiaires, vérifiez tout par vous-même.

Dans ce contexte, être une crypto-banque, donc un intermédiaire de confiance, est effectivement antinomique avec la volonté initiale de gérer ses Bitcoin en toute autonomie.

Néanmoins se passer d'intermédiaire oblige les détenteurs de cryptomonnaies à porter une responsabilité qu'ils n'ont pas forcément envie d'avoir.

Stocker ses clés sur un Ledger est comme stocker ses billets sous le matelas. Vous avez la responsabilité de la sécurité de vos biens. D'ailleurs, dans une application pure et parfaite des principes d'origines, il faudrait aussi que vous compreniez en détail comment fonctionne la sécurité de votre portefeuille : don't trust, verify.

Ce sont des exigences auxquelles il est quasiment impossible de répondre sauf à en faire un métier à plein temps.

Notre vision est donc que la décentralisation pure et parfaite à 100% est possible techniquement, mais ne sera réellement appliquée que par une toute petite partie de la population.

Pour la grande majorité il faudra maintenir des intermédiaires qui vous facilitent l'accès à cet écosystème.

C'est le sens de notre positionnement : être cet acteur qui te simplifie l'accès à ce monde très hermétique et finalement très compliqué de la crypto, et pour lequel la grande partie de la population se fiche de savoir comment ça fonctionne tant que ça fonctionne.

C'est donc bien un paradoxe, mais l'adoption se fait à ce prix.

Est-ce que vous recrutez ?

Oh que oui. Nous étions 20 l'année dernière, et 70 à la fin de l'année. Nous espérons être 150 à 200 l'année prochaine. Allez voir les postes ouverts !


🎙️ L’interview

Marketing & crypto

Quelle est ta définition du marketing ?

Au début des années 2000, la définition du marketing était de faire rencontrer l'offre et la demande.

L'autre définition que l'on nous donnait, lorsque l'on se concentrait sur l'aspect communication du marketing, c'était qu'il fallait pousser le bon message au bon moment à la bonne personne. Mais c'était en réalité inapplicable, ou pas de manière très fine.

Avec l'essor de la publicité digitale, et les données que tu peux agréger, la nouvelle définition que je donnerai du marketing, au sens publicitaire, c'est de calculer la probabilité qu'un utilisateur a de convertir connaissant ses préférences, le ou les messages que tu veux passer, et le contexte dans lequel il ou elle va percevoir ce message.

Qu'est-ce que du bon marketing pour toi alors ?

Quand tu as seulement la télévision comme canal de communication et d'acquisition, c'est du bullshit de dire que tu peux pousser le bon message au bon moment à la bonne personne.

Si tu passes sur TF1 avant le 20h, tu touches d'un coup 40% de la population française avec le même message.

Mais en digital tu sais calculer la probabilité d'achat de chaque personne qui vient sur ton site.

Les outils actuellement disponibles te permettent d'adapter l'approche afin de pousser individuellement à chaque utilisateur la publicité qui va maximiser sa probabilité de conversion.

Au sens publicitaire tu as une communication efficace avec une probabilité de ROI importante.

In fine, ce sont des maths : il faut comprendre le mécanisme mais aujourd’hui tu n'as plus besoin de t'occuper de ça. Ce sont les algorithmes qui vont choisir en fonction des données avec lesquelles tu les nourris.

C'est quoi ta stratégie marketing pour Coinhouse ?

Notre enjeu actuel est d'émerger en tant que marque européenne pour acquérir des clients et investisseurs.

Jusqu'il y a un an, nous étions une start-up. Aujourd'hui, nous sommes en phase de scale-up, en hypercroissance. Néanmoins, nous restons encore peu connus du grand public.

Comme toute marque nous devons travailler chacune des étapes du parcours client :

  1. Il faut d'abord que la personne sache que l'on existe. C'est de la pure notoriété.

  2. Il faut ensuite qu'elle nous apprécie au point d'envisager d'utiliser nos services. C'est la considération.

  3. Cette considération va générer des visites sur notre site. Il s'agit d'utiliser tous les canaux d'acquisition possibles pour que nos prospects nous trouvent quand ils cherchent Coinhouse dans Google ou tape "acheter bitcoin". C'est l'acquisition.

  4. Enfin, il faut guider les gens vers la création d'un compte Coinhouse. Il reste un peu de marketing, du marketing automation, mais on va rentrer beaucoup plus dans une gestion humaine de l'accompagnement où les équipes commerciales prennent le relais. C'est l'activation puis la rétention/fidélisation.

Il n'y a pas d'idée révolutionnaire là-dedans : il faut juste que chacun de ces moments de la vie des clients soit bien géré :

  • Le développement de la notoriété et la considération passent par de grandes campagnes de publicité, dans le métro par exemple qui a un très bon coût d'affichage par rapport au nombre de personnes que tu touches. Il faut se faire connaître, dire au monde que Coinhouse existe et que nous permettons d'acheter du BTC et de l'ETH en toute sécurité avec un acteur français qui t'accompagne. On vise tous les pays européens francophones et limitrophes.

  • Acquisition : les plateformes publicitaires Facebook et Google interdisent les publicités relatives aux cryptos. Un paradoxe de ne pas pouvoir utiliser Google pour moi ! On se reporte sur le SEO, l'affiliation et les réseaux sociaux.

  • L'accompagnement : essentiellement de l'humain ici, mais on fournit aussi beaucoup de contenu que l'on peut pousser automatiquement selon les besoins des clients (marketing automation).

Pour conclure, la valeur est dans la cave, c'est-à-dire dans les opérations quotidiennes de chacune des équipes impliquées : si chacune de ces étapes est bien gérée, si mes équipes font du bon boulot au téléphone, si le référencement naturel est bon, alors nous allons croître naturellement, se faire connaître et un cercle vertueux va s'enclencher.

Pourquoi est-ce que tu es bon dans ce que tu fais ?

Nous ne sommes pas bons tout le temps et sur tout, donc cela fluctue. Il y a des contextes dans lesquels j'arrive à être bon, et d'autres où je suis mauvais.

2 choses que je n'avais pas comprises en sortant d'école :

  1. L'idée n'a pas de valeur, l'exécution en a. Tout le monde peut avoir une super idée, mais comment tu la matérialises ? Est-ce que tu vas le faire vraiment ou tu vas rester dans ton canapé ? La réaliser, c'est ce qui a de la valeur. Tu ne peux pas être bon juste avec des idées, mais si tu exécutes et mets en application.

  2. Comme tu exécutes, il faut savoir faire. Tu ne pourras pas savoir tout faire, ce n'est pas possible. Mais il faut avoir des axes de force que tu maîtrises. Trouvez-vous un axe ou deux sur lesquels vous allez être vraiment bons : affiliation, pub en ligne, CRM, SEO, Marketing automation... La liste est longue ! Cela permettra de mettre à exécution vos idées et d'être légitime dans une équipe.

Alors, quand est-ce que je suis bon ?

  1. Quand on a une bonne idée et qu'on l'exécute, qu'on y met de l'énergie pour la faire vivre.

  2. Et quand j'apporte des compétences complémentaires dans une équipe pour essayer de construire ensemble. Là, on fait des trucs cool.

Prenez du temps pour vous former. Choisissez une activité, quelle qu'elle soit, car ces heures de temps libre et la façon dont vous les utilisez définissent ce que sera votre vie dans plusieurs années. C'est là-dessus que vous passez du temps et que vous vous construisez. Si vous apprenez des métiers, vous saurez faire plein de trucs, vous saurez exécuter plein de trucs et vous serez bons.

Le marketing dans les cryptos, est-ce un marketing de communauté ? Est-ce que c'est le futur du marketing pour toi ?

Je comprends pourquoi Maxime Sebti dit cela. C'est particulièrement vrai car nous n'avons pas accès à des outils marketing classiques, à la publicité tout simplement car Facebook et Google interdisent les publicités pour toutes les entreprises cryptos.

De plus, nous évoluons dans un écosystème très communautaire et qui a été pensé comme ça : c'est un univers de décentralisation et de réseau.

Néanmoins, si nous prenons un pas de recul et que l'on regarde l'ensemble des industries, ce n'est pas ce que je privilégie à propos de l'évolution du marketing, mais plutôt la data.

Le marketing de demain, c'est comprendre ces algorithmes de sélection, comment ils sont nourris par les datas afin de pousser le bon message à la bonne personne au bon moment. Cela peut faire un peu peur, mais c'est ce qu'il se passe aujourd'hui. Il faut en être conscient.


Carrière

Comment est-ce que l'on rentre chez Google ?

Il y a un mythe autour de Google qui vient des pratiques passées utilisées surtout pendant les entretiens. Par exemple, combien de balles ping-pong tiennent dans un Boeing 747 ?

Ils ont repensé les mécaniques de ressources humaines car ils se sont aperçus que ces questions ne servent à rien et ne prédisent pas du tout des performances de la personne dans le job.

Maintenant, l'étape la plus difficile est le tri du CV. Des millions de personnes candidatent en même temps, et leurs CVs sont triés par des algorithmes. En plus, lorsque tu sors d'école, tout le monde a le même CV, donc passer le filtre des algos et décrocher un entretien est un coup de chance.

La meilleure voie reste donc la cooptation, c'est-à-dire quelqu'un chez Google qui pousse ta candidature aux ressources humaines. Cela te permet généralement d'avoir un premier entretien. Ensuite, les entretiens s'enchaînent très naturellement. Si tu es bien préparé, il n'y a aucun piège, et ce sont presque des discussions simples.

Et qu'est-ce que tu retiens de ton passage chez Google ?

Que la valeur se fait à la cave, dans l'exécution et la maîtrise des outils, quel que soit le canal marketing que tu utilises.

Historiquement dans les entreprises, on a souvent pensé séparément la stratégie et l'exécution. Cela se voit dans les cabinets de conseils : tu as ceux qui font la stratégie, ceux qui font l'organisation et le management, et ceux qui font de l'IT. Comme si tous ces sujets pouvaient être traités séparément.

En marketing digital, si tu veux être bon sur ta stratégie d'acquisition, il faut que tu sois allé(e) te coltiner de la gestion de campagnes pour comprendre l'outil, la mécanique derrière et la puissance que l'on peut en tirer. Tu ne peux pas penser d'un côté et exécuter de l'autre.

Si tu comprends cette mécanique, alors tu peux automatiser 90% de ta stratégie d'acquisition client, être extrêmement rentable sur ton marketing, précis sur tes messages et avoir une stratégie complexe et performante.

Parle-nous de Iasion.io ?

J'avais appris un petit bout de code quand j'étais en conseil, au début des années 2010, J'avais suivi un cours sur Coursera pour apprendre à coder en R, un langage qui permet de collecter, nettoyer et analyser de la data pour en tirer un résultat.

C'est une compétence qui ne m'a servi à rien pendant des années, jusqu'à ce que je tombe dans les cryptos.

Le trading de cryptos, c'est 24/24h, 7 jours sur 7. Soit tu ne dors pas et tu n'as plus de vie sociale, soit quelqu'un ou quelque chose le fait pour toi.

J'ai opté pour la deuxième solution et j'ai créé avec un associé un petit algorithme de trading. C'est plus un side-project qu'une start-up. Le but initial avec mon ami était de se marrer et de développer notre propre système qui gère notre argent.

Ça marchait plutôt bien, et on trouvait dommage de ne pas en faire profiter la famille et les amis. On l'a partagé à nos proches, et avec le bouche-à-oreille, on a commencé à le vendre à des tiers. On a jamais trop pensé à en faire une start-up mais c'est disponible si vous voulez.

L'objectif de notre algorithme est de faire un x2 tous les ans, y compris en marché baissier.

Quelle est ta réalisation la plus marquante, celle dont tu es la plus fière ?

Le moment où je suis fier du boulot que je fais, c'est quand je mène un projet qui résout un problème de manière maligne. Quand on ne fait pas comme tout le monde, quelque chose de différent et qui fonctionne, peu importe que ça soit du marketing ou sur un autre sujet.

Par exemple, pour notre dernière campagne marketing en juillet, nous devions faire comprendre aux gens qu'ils ne gagnent rien avec leurs euros bloqués sur un Livret A et qu'ils devraient venir en crypto. Le tout en étant fin et malin pour les alerter.

On a calculé les intérêts gagnés avec une certaine somme déposée cette année en euros avec le Livret A. Les intérêts générés permettaient d'acheter une boule à neige. Pour la même somme placée en bitcoin, on pouvait se payer restaurant gastronomique ou un voyage de noces. C'est super malin et un beau pied de nez! Mais en l'occurrence je ne peux pas m'en attribuer la paternité : c'est l'agence Marcel, qui nous accompagne, qui l'a eue.

Quel est ton échec ou ton semblant d'échec préféré ?

C'est quand j'étais chez Google. Nous étions spécialisés par grand compte et l'un de mes clients français rencontrait des problèmes de croissance de ses revenus. Il perdait 200 millions d'euros par an.

Cette entreprise utilisait Google pour attirer des clients et vendre ses services. Son équipe marketing changeait toutes les semaines les promos et les messages en pensant qu'ils allaient mieux performer. Ils avaient une armée de personnes dans leurs agences qui mettaient à jour les annonces chaque semaine pour que les messages soient bien adaptés.

Cependant, il y a une petite option dans Google Ads qui permet de laisser l'algorithme Google choisir d'afficher à l'écran la publicité, parmi toutes celles créées, qui a le plus de chance d'être cliquée et ensuite de générer une vente.

On a fait un 1er test sur un pays. + 20% de ventes. Un peu choqués, nous avons mené d'autres tests sur un plus grand panel de pays. Toujours + 20% de ventes. Lissés sur l'année, cela faisait environ 100 millions de revenus supplémentaires par an, soit la moitié du revenu nécessaire pour revenir à l'équilibre. Avec un clic.

Pourtant, je n'ai jamais réussi à les convaincre que c'était une priorité. Cela prenait 5 minutes à changer dans tous les comptes de la société, coûtait 0€ mais il ne le savait pas et ne voulait pas le savoir.

Pourquoi ? Ils avaient une culture interne très verticale, avaient besoin de délivrer leurs campagnes avec des messages précis car c'est comme ça qu'ils avaient toujours fait. Tout le reste les perturbait dans leurs plans. Et personne chez les annonceurs ne maîtrisait, ni ne connaissait la puissance de ces outils et les différentes options disponibles.

Tu as fait du conseil pendant 4 ans. Qu'est-ce que ça t'a apporté ?

Le conseil ne m'a pas aidé à apprendre un métier, mais m'a appris des compétences comme :

  • M'adapter à un environnement inconnu,

  • Découvrir un nouveau monde,

  • Apprendre vite,

  • Une façon de découper les problèmes et les résoudre.

Quand je suis arrivé chez Google, je ne connaissais pas du tout le métier de la publicité en ligne mais grâce à ces compétences développées pendant mes années de conseil, j'ai pu apprendre très vite et m'adapter au job.


Formation & candidature

Quelles sont les compétences clés que tu développerais en priorité pour être dans le top 10% des marketeurs ?

Aujourd'hui, au démarrage, il faut acquérir une compétence dure. Asseoir un métier.

Je prendrais un des leviers d'acquisition principaux et je m'y spécialiserais. Ou je trouverais un métier que j'aime bien, qui est porteur et dans lequel je peux développer une expertise qui a de l'avenir : SEO, publicité digitale, social...

Aussi, je développerais ma capacité à m'adapter aux environnements futurs, des compétences de gestion de projet, de coordination et d'organisation d'équipe et de vision d'ensemble. Car l'expertise opérationnelle ne tiendra pas toute la carrière. Elle fera plutôt la différence au début de carrière et permettra de poser les premières pierres pour évoluer plus tard.

Je suis un grand fan de l'apprentissage par les livres. Est-ce que toi aussi ? Si oui, quel est ton livre préféré et pourquoi ? Marketing, business ou les deux.

On est tous dans des jobs pour lesquels nous n'avons pas été formés. J'ai appris sur le terrain. Je ne connais pas un livre que je puisse recommander comme une référence.

Mais pour commencer, Web Analytics d'Avinash Kaushik. Gourou de la mesure et de la data dans le web qui a bossé chez Google. C'est vieux mais toujours valable aujourd'hui.

Vous pouvez aussi regarder ses conférences sur Youtube. Il te donne des structures pour penser ton marketing avant de penser opérationnel et détails, pour ensuite l'exécuter et faire du bon travail.

Autres livres que j'aime bien :

Ce sont des chercheurs en psychologie qui explicitent les techniques de manipulation. C'est très utile pour détecter les managers ou collaborateurs nocifs qui cherchent à nous manipuler, éviter les pièges et bien y réagir pour sauver des heures de frustration et d'énergie perdue.

Qu'est-ce que tu recherches en priorité chez tes collaborateurs ? Quels sont les critères que tu regardes ?

Quelqu'un qui a un cerveau et qui n'a pas peur de l'utiliser.

80/90% des problèmes que l'on rencontre au quotidien ne nécessitent pas une expertise approfondie : ils peuvent être résolus par quelqu'un de déterminé qui a envie d'apprendre, comprendre et résoudre. Mais pour être bon(ne) cela suppose de mettre cette énergie pour apprendre.

Je vais regarder en priorité sa capacité à se projeter dans le job. Les entretiens sont tournés autour de la bonne compréhension du périmètre et des enjeux : je leur demande de m'expliquer le contenu du job sur lequel ils / elles postulent, ce qu'ils en perçoivent, les challenges, et pourquoi c'est important pour Coinhouse de recruter sur ce poste. Je veux être bien sûr qu'ils comprennent vers quoi ils se dirigent et où ils se projettent.

Une fois que c'est validé, je ne fais que des mises en situation.

Par exemple, on souhaite ouvrir l'Espagne demain. Il faut passer de 0 à 200 puis 2000 utilisateurs acquis tous les mois. Comment feriez-vous ?

À partir des premières pistes de réflexions, je vais vite voir si la personne utilise son cerveau :

  • Si elle propose une solution à un problème donné sur la base de ses compétences passées.

  • Si, lorsque je lui fournis de nouvelles infos, elle est capable de les intégrer à son raisonnement.

  • Si elle prend bien en compte son environnement, et notamment l'importance de la coordination avec des tiers (agences, autres équipes, management etc.)

Et enfin, un cas pratique technique arrive à la fin pour vérifier que le niveau technique est suffisant.

Bonus ! Le TOP 6 des paris crypto de Romain (Attention, ceci n'est pas un conseil en investissement !) :

  • Aave (AAVE)

  • Polkadot (DOT)

  • Polygon (MATIC)

  • Solana (SOL)

  • ENJIN (ENJ)

  • Pokmi (PKN)

Mais sa recommandation de base reste de mettre 80% de son portefeuille sur BTC & ETH.


👌 La belle histoire de la semaine

Quand une marque donne son nom à un biais cognitif : “l’effet IKEA”

Renseignements importants sur la COVID-19 - IKEA CA

Vous connaissez tous IKEA, l’entreprise de meubles à monter soi-même et aux noms imprononçables.

Une grande partie du succès d’Ikea s’explique par l’exploitation habile de nos biais cognitifs.

Rappel : Un biais cognitif est une distorsion dans le traitement cognitif d'une information. Le terme biais fait référence à une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité. Les biais cognitifs conduisent le sujet à accorder des importances différentes à des faits de même nature et peuvent être repérés lorsque des paradoxes ou des erreurs apparaissent dans un raisonnement ou un jugement. Source : Wikipédia.

Le business model d’Ikea tout entier repose même sur l’exploitation d’au moins deux biais cognitifs qui s’unissent pour composer ce que nous appelons désormais l’effet Ikea : nous accordons une valeur disproportionnée aux produits que nous avons (partiellement) créés.

L’heuristique de l’effort

Le premier biais cognitif qui compose l’effet Ikea est l’heuristique de l’effort. Ce biais stipule que nous développons un attachement fort aux choses que nous avons eu du mal à obtenir.

Et Ikea met tout en œuvre pour nous compliquer la vie. Au-delà de monter ses meubles soi-même, ce qui peut être compliqué pour certaines personnes, il faut aussi :

  • prendre le temps de se rendre dans les magasins situés en périphérie des grandes villes.

  • prévoir le transport de nos achats, ce qui implique souvent de louer une camionnette.

  • se repérer dans le labyrinthe que sont les magasins Ikea.

Une fois arrivés sur place, nous nous sommes déjà tellement investis dans notre acte d’achat qu’il est impossible de repartir les mains vides.

Le sentiment de compétence

L’autre biais cognitif est le sentiment de compétence que nous ressentons lorsque nous avons terminé de monter nos meubles.

Quelle fierté de voir ce tas de planches devenir le meuble central de notre salon en 30 minutes. Et que nous l’avons monté seul(e) !

Nous développons ainsi une forte attache à nos meubles Ikea car nous avons investi beaucoup de temps et d’effort.

Ikea en profilte 🤑

Cet attachement se monnaye cher et Ikea l’a bien compris.

Selon une étude menée par l’université d’Harvard en 2011, nous sommes prêts à payer jusqu’à 63% plus cher un produit auquel nous avons participé à la création qu’un produit déjà pré-assemblé.

Le chiffre d’affaires d’Ikea s’élève ainsi à plus de 45 milliards d’euros en 2021.

Une nuance à apporter

Au-delà de l’exploitation des biais cognitifs, il faut néanmoins apporter une nuance importante au succès d’Ikea.

Le design épuré et le faible coût de leurs produits leur confèrent une importante valeur initiale perçue aux yeux des clients. C’est cette valeur perçue initiale qui vient justifier tous les efforts entrepris par les clients pour acheter les meubles Ikea.

Les biais cognitifs viennent ici dans un second temps pour magnifier l’expérience d’achat et en faire des clients satisfaits qui se chargeront de raconter à leurs nombreux amis combien ils sont fiers d’avoir monté le canapé sur lequel ils sont assis.


🏄 Alors, c’est bon ça ou c’est pas bon ça ?

Voilà, c’est la fin de cette 23ème édition.

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Si tu aimes cette édition, et qu’elle peut plaire à une personne de ton entourage qui aime le marketing, les cryptos ou les deux, n’hésite pas à lui partager.

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Au plaisir de te lire 🤙

C’est bon ça !

Jean

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C'est bon ça
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J'interroge les entrepreneurs et marketeurs des plus belles startups françaises. On y parle compétences, parcours, embûches, anecdotes et conseils pour construire une carrière réussie en marketing.